Pour tous ceux qui, comme l'Albatros, ont grandi à une époque où le français gardait encore le prestige d’avoir été la langue diplomatique par excellence, ceci dès la grandeur du Roi Soleil, il est un peu triste de la voir progressivement disparaître des fora internationaux. Depuis la dernière guerre, l’anglais a évolué rapidement de lingua franca des échanges commerciaux à l’américain des communications internationales. La mondialisation de l’internet a scellé le destin.
On n’écrit plus des lettres, on envoi des messages. Chaque langue s’est taillée un territoire, mais au-delà, la terra incognita du cyberspace appartient presque exclusivement a une seule mouvance. Ce monde virtuel est aussi un traité de sociologie comparée. Les correspondants de l'Albatros sont, pour la plupart, les survivants de tous les amis, complices, collègues et autres connaissances, faits un peu partout dans le monde. Ils appartiennent à plusieurs de ces territoires linguistiques et en général gardent, pour communiquer entre eux, la langue de leur premier contact.
Néanmoins, lorsque un message général est envoyé à un cross section de ses correspondants, l'Albatros la rédige naturellement en anglais. À chaque fois les francophones expriment leur chagrin. Un ami (un Breton) demande pourquoi il ne l’a pas rédigée en deux langues, à chaque fois l'Albatros lui répond, pourquoi donc pas en trois, ou quatre, ou cinq, mais d’une fois sur l’autre l'ami pose encore la même question, il se peut qu’il commence à radoter… Une amie Canadienne (officiellement bilingue) le boude systématiquement après comme traitre à la francophonie, mais enfin, la raison ne sied pas toujours aux raisons des femmes... Le comble, cet un ami de Côte d’Ivoire, le même qui lui a raconté un jour, entre des gros éclats de rire, comment dans le temps on a fait apprendre à l’école l´histoire de «nous ancêtres les gaulois», à lui, un noir africain. Mais il fait aussi des remontrances à l'Albatros au sujet de son devoir d’aider les espèces linguistiques en danger…
Il y a encore des organisations internationales qui sont officiellement bilingues, ou ayant plusieurs langues de travail, mais l’usage et le souci d’économie vont inexorablement dans le sens de l’uniformisation. C’est dommage. On participe de moins en moins dans ces réunions ou conversations, où on glissait seamlessly entre plusieurs langues sans même s’en rendre compte. Bon… seamlessly, voilà comment se fait le saut, un mot étranger qu’exprime plus exactement ce qu’on voulait dire et après la conversation continue dans l’autre langue.
L’aspect le plus important de la diversité linguistique est souvent oublié: chaque langue est simultanément le résultât d’une culture et conditionne aussi l’a formation ou l’évolution de la pensée de ceux qui l’apprennent des l’enfance. Toutefois, cela transparait dans les généralisations courantes concernant plusieurs langues et l’évolution des peuples qui les pratiquent: L’anglais, une langue complètement métissée, bâtarde dans toutes ses composantes, le saxon, le danois, le normand, est toujours la plus ouverte aux innovations. L’allemand, comme le latin, avec ses déclinaisons favorise la rigueur de la pensée formelle, mais d’autre part se compose et se décompose, entre une langue érudite et des dialectes vulgaires. Le français, comme les autres langues latines, oscille entre la liberté des origines qui demande un raisonnement logique pour subsister et des tentatives de défense frileuse d’une pureté imaginaire. Le chinois, comme d’autres langues écrites en idéogrammes, appelle a une mémorisation massive et diminue d’autant la flexibilité intellectuelle et capacité d’invention. L’arabe, son imprécision poétique explique probablement l’incapacité de beaucoup de ceux qui l’ont comme langue maternelle à maintenir la séparation entre la fantaisie de leurs désirs et la réalité des faits.
Le plus grand espoir pour la paix dans le monde, réside dans l’éducation et le développement, pour tous et pour chacun. L’éducation ne doit pas, ne peut pas, consister seulement dans l’apprentissage de la langue, de la culture et des croyances d’une communauté. Il faut aussi connaître le patrimoine de son temps, les mouvances de la pensée, de la science, des techniques, dans une langue ouverte sur l’extérieur. Dans un monde de plus en plus petit et intégré, il faut la capacité de communiquer avec, de comprendre et d’accepter, les «autres».
Plusieurs langues on eu historiquement le rôle de véhicule commun dans des ensembles de territoires ayant des langues différentes: le grec, le latin, le chinois, l’arabe. La première langue de communication globale a été le portugais du temps de la découverte du monde. Après, les empires commerciaux et coloniaux ont ajuté le castillan, l’anglais, le français et le néerlandais, dans leurs territoires respectifs. La compétition entre puissances européennes a vu la montée progressive de l’anglais, comme langue d'un empire dispersé sur le monde entier d’abord et ensuite comme moyen de communication universelle. Tant que durera notre civilisation technologique, il faut l’apprendre partout dès l’entrée à l’école, un important facteur de survie individuelle et collective, que cela plaise ou non.
JSR
Sur ce sujet, voici un article intéressant, apparu il y a quelques mois dans le New York Times: "Does your language shape how you think?" - http://www.nytimes.com/2010/08/29/magazine/29language-t.html
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